LE NÉGOCE À LA UNE Petit à petit, Adagri fait son nid
Agri alternative est devenue le groupe Adagri, un nom qui résonne de plus en plus aux oreilles des agriculteurs du sud du Bassin parisien. La petite entreprise, spécialisée en agrofournitures, grandit et se diversifie, en privilégiant la relation avec les agriculteurs.
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Située en face de Syngenta et à quelques mètres de la Scael, Adagri reste discrète au sein du Jardin d’entreprises de Chartres (Eure-et-Loir), mais elle est en pleine expansion. Tractopelle et télescopique sont à l’œuvre, la plateforme de stockage de 2 000 m2 va doubler de surface. Le développement des bâtiments est à l’image de celui du groupe. Peu à peu, le négoce, né dans les Yvelines, s’impose dans le paysage du Centre-Val de Loire. En huit ans, le nombre de ses salariés a plus que doublé, passant de 15 à 34 personnes. Et le chiffre d’affaires a dépassé les 100 M€ en 2023.
Mais qu’est-ce qui fait courir Adagri ? « L’envie d’être les plus forts pour faire gagner de l’argent aux agriculteurs », répond simplement Éric Beaumet, un des trois associés, sourire aux lèvres. Créée en 2006 sous le nom d’Agri alternative par Éric Beaumet et Wilfried Laure, avec le soutien d’Actura, puis rejointe par Guillaume Malnoury en 2009, l’entreprise est d’abord un spécialiste des intrants. Depuis 2019, et la reprise de Thomas négoce (3 personnes, 150 000 t de grains collectés), les trois associés proposent également la collecte de céréales à leurs clients, qui sont plutôt des céréaliers très indépendants. Le stockage s’effectue en ferme et plus de 90 % de la collecte part à Rouen, pour l’export.
Des filières qui émergent
À ces deux jambes, appro et collecte, Adagri en a récemment ajouté une troisième : la nutrition animale. En 2021, le négoce a racheté les Ets Leguy, basés à Liernais (Côte-d’Or). Adagri sort ainsi de sa zone d’implantation au sud du Bassin parisien et couvre désormais dix départements, de Rambouillet à Dijon, en passant par Blois et Bourges. Wilfried Laure, président du groupe Adagri, explique ce changement : « Éric et Guillaume, mes deux associés, sont bourguignons et connaissent bien le territoire. Et il nous fallait également équilibrer les masses de marge au niveau du groupe par rapport aux phytos. » Avec la baisse future des intrants, le négoce préfère ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier… D’autant que Leguy possédait déjà un silo. Après un investissement de 1,5 M€, Adagri dispose d’un stockage en Bourgogne de 6 000 t.
En parallèle de cette acquisition, le négoce déménage de Rambouillet à Chartres, où il fait construire des bureaux et un bâtiment de stockage. Il loue également un silo ex-Thomas de 4 000 t à Bouglainval, au nord de Chartres. Grâce à une logistique bien rodée en départ ferme, Adagri collecte au total 175 000 t de grains auprès de 1 500 agriculteurs, majoritairement pour l’export. Mais avec ces deux silos, le négoce souhaite se développer sur les marchés céréaliers français, comme la meunerie et l’oisellerie (maïs, pois…) ou encore le lin alimentaire. Des marchés qui représentent aujourd’hui 8 % de la collecte et qui pourraient grimper jusqu’à 20 % d’ici trois ans.
Un cahier des charges maison
Afin de pouvoir répondre rapidement aux industriels, l’entreprise va mettre en place une « charte Adagri » avec un socle commun des pratiques attendues. « Ce cahier des charges sera une base, adaptée aux cultures et au périmètre de chacun de nos interlocuteurs. Avec ces filières, les producteurs sauront pour qui ils produisent du blé », ajoute Wilfried Laure. L’empreinte carbone sera une des pratiques mises en avant. Adagri travaille avec deux entreprises de valorisation du bilan carbone qui rémunèrent les réductions d’émissions de CO2 à l’hectare. Des projets sont en réflexion pour calculer l’empreinte à la tonne produite.
Pour les agrofournitures, qui représentent 37 % du chiffre d’affaires du groupe, le trio de dirigeants développe une gamme de biosolutions nommée « stimulateurs d’avenir ». Alors que pour les produits phytosanitaires, Adagri se fournit chez Actura, pour les biostimulants, ils testent eux-mêmes les produits, comme l’expose Guillaume Malnoury, directeur technique. « Nous analysons ce qu’il y a dans le bidon et nous réalisons des essais pour vérifier l’efficacité des biostimulants et des biocontrôles avant de le conseiller à nos agriculteurs. Nous travaillons également sur un outil d’aide au positionnement qui devrait être testé en mars 2024 chez des agriculteurs, puis commercialisé en 2025. À terme, nous aimerions obtenir des solutions combinatoires, entre phytos et biostimulants. » Cette année, le chiffre d’affaires des biosolutions est passé de 4 à 10 % des ventes en santé du végétal.
Des essais avec Auxo Agro
Les associés souhaitent également développer la multiplication de semences. Aujourd’hui, environ 220 ha sont multipliés pour le compte d’Agrasem et partent en circuit long. Actura, via sa filiale Agrasem, est en train de développer une station de semences au sud du Bassin parisien pour ses adhérents. « C’est l’occasion d’augmenter nos surfaces de multiplication, mais surtout d’avoir un accès direct aux semenciers et à la nouvelle génétique », ajoute Éric Beaumet. L’indépendance tout en s’appuyant sur un réseau, c’est également la philosophie pour les essais. Adagri effectue ses propres essais pour sa gamme « stimulateurs d’avenir ». Pour le reste, il fait partie du réseau Étamines d’Actura. Depuis cet automne, Adagri s’est également rapproché de trois autres négoces de la région, Pissier, Bodin et Durand, afin de créer en janvier Auxo Agro, un réseau d’essais en commun sur la région Centre-Val de Loire. Une personne vient d’être embauchée dans cette SAS pour superviser les essais.
Les services, en particulier la réactivité et l’efficacité, sont primordiaux pour les trois mousquetaires d’Adagri qui, en plus de leurs responsabilités, continuent à faire du business avec la quinzaine de technico-commerciaux sur le terrain. Les produits sont livrés à la ferme en moins de 48 h et tout est mis en place pour répondre à chaque besoin des agriculteurs. Pour mieux connaître ses clients et pouvoir « sortir une offre à tiroirs », l’équipe de TC d’Adagri possède un fichier très bien renseigné, avec les profils des agriculteurs (les suiveurs, les opportunistes, les négociateurs…). « Nous sommes en train de faire évoluer notre relation avec nos clients en faisant d’eux des partenaires. Nous devons résoudre ensemble un problème, avec des efforts, des actions et des valeurs communes afin d’aboutir à une solution », explique Wilfried Laure. Pour cela, Adagri a mis en place un cycle de formation avec Réseau Motival à propos de la transformation de la relation client.
Des recrutements permanents
Même démarche avec les salariés, où le respect est notre première valeur. Une prime d’intéressement leur est distribuée. « On ne sait pas qui est le patron, ici ! lance Wilfried Laure. Plus nous grossissons et plus c’est compliqué, mais nous essayons de garder une disponibilité et une proximité avec tous les collaborateurs car, au quotidien, nous avons tous besoin des uns et des autres. » Afin d’intégrer au mieux les trois structures, un nouveau site internet et une application sont opérationnels depuis fin 2023, et un ERP commun est prévu pour juillet 2024. Adagri va ainsi passer sous Atys (société Analys Informatique), le responsable informatique d’Actura faisant l’interface entre les deux entreprises.
Face à la croissance, les recrutements sont continus : des commerciaux sont recherchés, une personne vient d’être embauchée pour les services (plan de fumure, analyses de sol…), une autre sur la qualité et les possibles diversifications. Car « tout est à l’étude, ajoute Guillaume Malnoury. On pourrait aller sur la vigne dans deux ou trois ans, ou pourquoi pas vers la première transformation. » Mais jusqu’où ira Adagri ? Et les trois associés sauront-ils garder l’agilité d’une petite structure en se développant ainsi ? À suivre.
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